dimanche 1 décembre 2013

Le casse-tête Cantat / telerama.fr

Le casse-tête Cantat
 
Décadrage | Bertrand Cantat a donc fait un retour médiatisé et mis en scène avec la chanson “Droit dans le soleil”. On a beau essayer d'écouter, ça ne passe pas vraiment. Sans doute un problème de décence.

Le 01/10/2013 à 16h41-  Mis à jour le 02/10/2013 à 17h28
Valérie Lehoux
 
 

Bertrand Cantat, Droit dans le soleil. DR

Il s’est pris un petit coup de vieux, non ? Sur la vidéo qui a scellé son retour, Bertrand Cantat n’a plus son allure de rock star, renversante de beauté et d’assurance. Les poches sous les yeux, le regard un peu vide, les poils blancs sur un menton moins ferme qu’hier, le rendent plus humain. Presque un nounours qu’on aimerait consoler de ses gros chagrins. Parce qu’en plus, il a l’air d’en avoir, du chagrin.
Le bientôt cinquantenaire, qui gratte la guitare à la manière d’un Brassens débutant, perché sur un banc, entonne d’une voix plaintive une valse à trois temps : il veut, chante-t-il, « regarder droit dans le soleil » – comprendre : sortir de l’ombre, repousser ses côtés sombres. La chanson, dépouillée et mélancolique, annonce un album, Horizons (allégorie, quand tu nous tiens), qui paraîtra le 18 novembre sous le nom de son nouveau groupe, Détroit. La date de sortie initialement prévue, une semaine plus tard pour accrocher les pré-achats de Noël, correspondait à la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes... Après les circonstances de la mort de Marie Trintignant, ça la fichait mal.
Fantômes
De toute façon, on aura beau tourner, détourner, contourner le sujet, se répéter que Cantat fait son métier en toute légalité, on ne pourra jamais prétendre l’écouter en oubliant le reste. Même en s’attachant au seul contenu de sa chanson, on retombe dedans : tout le monde y lit son envie de renaissance et y voit le fantôme de Marie Trintignant. Peut-être même aussi celui de Krizstina Rady, l’épouse suicidée. Plus rien n’est anodin. On avait déjà eu cette sensation en janvier dernier, à Bercy, lorsque Cantat était venu interpréter Avec le temps lors d’un concert de Shaka Ponk. « Avec le temps, va, tout s’en va »... L’élégance même. Mais il aurait chanté Dis quand reviendras-tu, cela aurait été pire. Même Viens boire un petit coup à la maison serait mal passé.
En tout cas, qu’on ne s’y trompe pas : sous la chanson dépouillée d’aujourd’hui et son clip, façon vidéo amateur, Cantat n’affiche pas profil bas. Son single a bénéficié du même lancement que celui d’un McCartney. Il sort chez Barclay, label historique de Noir Désir, et département d’Universal dont le chanteur avait bruyamment critiqué en 2002 la stratégie de « ramifications, absorptions, profits » – qui ne s’est pas arrangée depuis. Une tournée est même déjà annoncée pour le printemps 2014. Plusieurs producteurs ont été sollicités.
On ne refait pas le passé. Pendant plus de dix ans, le magnétique Cantat aura marqué le rock français, et enflammé ses fans, nombreux. Depuis, des milliers d’autres chansons ont vu le jour, sans lui, et certaines, magnifiques, ont à leur tour bouleversé des milliers d’existences. Des grands disques, on en a tant à se mettre dans l’oreille et le cœur que l'on manque même de temps pour les écouter tous. Et des grands artistes, on en a tellement à aimer ; ils nous consolent de bien des choses. Bertrand Cantat, lui, garde des inconditionnels, férocement protecteurs ou étrangement fascinés. La décence ne se décrète pas, elle est affaire personnelle. Attention quand même : à trop regarder droit dans le soleil, on finit par s’aveugler.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire