dimanche 1 décembre 2013

Détroit : « Une charge émotionnelle énorme » / lesoir.be


Détroit : « Une charge émotionnelle énorme »
par Didier Stiers le 18 novembre 2013@didierstiers 


 

Catherine Graindorge est une artiste qui s’épanouit sur scène et multiplie les collaborations. La violoniste bruxelloise vient de prêter ses cordes à Détroit, sur quelques morceaux de l’album Horizons tout juste sorti.
 
Jusqu’ici, on avait pu l’entendre avec Venus, Thot et Monsoon. Ou Nox, un trio violon/(contre)basse/batterie aux influences rock/classique/jazz. Et puis sur un premier album solo enregistré en 2012. The secret of us all, c’est son titre, est de ces précieuses cartes de visite : sans lui, la route de Catherine Graindorge n’aurait probablement pas croisé celle de Pascal Humbert et Bertrand Cantat.
Par quel biais s’est nouée cette collaboration avec Détroit ?
C’est Pascal Humbert, avec qui j’ai une chouette relation – nous essayions de travailler ensemble depuis plusieurs années -, qui m’a contactée pour enregistrer du violon et de l’alto sur Horizons. Sans ce contact, je ne vois pas comment je me serais retrouvée là… Pascal aime bien ma musique, il a entendu mon album et il a parlé de moi à Bertrand Cantat. Pascal est quelqu’un en qui j’ai entièrement confiance, et j’ai accepté sa proposition.
Pas d’hésitation, quand la proposition est arrivée ?
J’ai accepté de le faire… Alors évidemment, une fois que je me suis retrouvée devant Bertrand Cantat, il y a tout son passé, une charge émotionnelle qui est énorme, et on ne peut pas s’empêcher de revoir toutes les images qui ont été bassinées par la presse. Mais en même temps, c’est quelqu’un qui m’a touchée. Je ne le pose pas en victime. Mais avec tout ce qu’il porte en lui… Et donc j’assume totalement ma collaboration !
T’es-tu sentie d’autant plus touchée que tu es toi-même artiste ?
Difficile de répondre. Je ne peux pas me mettre à la place de quelqu’un d’autre. Mais je suis dans la position d’une artiste et effectivement, ma sensibilité est peut-être plus « alerte » par rapport à l’artiste. Le fait que je sois aussi mère, peut-être aussi que mon père a été en prison (Ndlr : l’avocat Michel Graindorge)… Ça n’a rien à voir, mais la rumeur, j’ai vécu ça. Je le redis : la situation est totalement différente, mais pendant des années, même quand mon père a été acquitté, j’ai été « la fille de » et j’ai été jugée en fonction, positivement ou négativement. Je sais donc tout le poids que ça représente. Mais artistiquement, Bertrand Cantat est quelqu’un d’entier. C’est quelqu’un d’entier dans tous les sens du terme, et on ne peut pas ne pas être sensible à toute cette charge émotionnelle.
 

Concrètement, comment s’est déroulé ce travail ?
Tout a été très vite : Universal m’a contactée en juin pour aller enregistrer dix jours plus tard à Carpentras au studio Vega. J’ai reçu deux morceaux deux jours auparavant, j’ai donc pu un peu préparer chez moi. Quand j’ai débarqué là-bas, j’ai enregistré de midi à minuit et j’ai essentiellement improvisé. C’était super, parce que Bertrand et Pascal, et Bruno Green qui était avec eux dans l’aventure, me laissaient essayer des choses. Au final, j’ai enregistré du violon/alto sur quatre morceaux, dont trois figurent sur l’album…
C’est ça qui t’a été demandé : beaucoup d’impro ?
Pascal savait que je fonctionne beaucoup là-dessus. Je peux préparer des choses à la maison, mais une fois que je suis dans une situation précise, j’aime bien partir et improviser. Mon travail a donc beaucoup tourné autour de ça, de l’impro, et chacun rebondissait sur mes propositions. Puis je suis revenue à Bruxelles et ils ont continué leur petit bout de chemin. Il y a quelques jours, Universal m’a recontactée pour répéter et enregistrer trois clips, pour trois morceaux de l’album qui seraient réinterprétés à trois, donc Bertrand , Pascal et moi (Ndlr : c’est en boîte, depuis cette interview). Dans ce projet, je suis le vent qui passe, mais… j’ai parlé à Pascal il y a peu : eux-mêmes ne savent pas très bien vers où ça va. Ils se laissent porter…
 

Vu de l’extérieur, on peut percevoir dans Détroit un petit quelque chose de pas calculé, non ?
Ils ont passé deux ans à répéter et enregistrer dans le grenier de Bertrand, juste à deux, et ils étaient vraiment très longtemps dans une grande intimité. Puis ils ont décidé de faire cet album, mais ils ne savaient même pas en enregistrant s’ils allaient faire du live. Je crois qu’ils vivent au jour le jour, avec ce projet. Jusqu’ici en tout cas, ils ont vécu au jour le jour. Il y a eu beaucoup d’interruptions. C’est tout un monde à gérer  aussi, je pense. Leur souhait, c’est de pouvoir enfin se retrouver dans la musique.
Humainement parlant, qu’as-tu trouvé dans cette collaboration ?
J’avais enfin le plaisir immense de travailler avec Pascal. Avec Bertrand aussi, bien entendu, mais je le redis : Pascal, c’est une histoire qui remonte à des années. J’ai vu 16 Horsepower sur scène à Genève il y a une dizaine d’années, dans un festival. J’étais justement dans une période pleine d’angoisses métaphysiques, et donc David Eugene Edwards avec ses yeux révulsés, qui se donnait entièrement, c’était impressionnant. Et Pascal à ses côtés, avec ce son de basse, ancré dans le sol, m’a fort impressionnée aussi. J’ai découvert Lilium plus tard… C’est vraiment tout un parcours. Je me suis dit : « Un jour, je voudrais travailler avec cet homme ! » Ça a mis un temps fou. J’ai un projet avec Hugo Race, sur lequel nous avons commencé à travailler, et nous voudrions que Pascal en fasse partie. Pascal voudrait en faire partie aussi, mais il est tellement pris par Détroit que je ne sais pas si ça se fera. Mais c’était déjà le début d’une collaboration.
 
Didier Stiers

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